Flashback sur l’affaire danoise : trace de l’espionnage perpétré par la NSA en Europe

A l’heure où circule le Rapport relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2022-2023, il est nécessaire de rappeler que la Chine et la Russie ne sont pas seules puissances qui ont une activité en Europe. Ce flashback sur une affaire d’espionnage américain au Danemark est une illustration de ce qui peut se passer dans d’autres pays de l’Union Européenne.

La doctrine de domination par l’information est une composante traditionnelle des services de renseignement américains. Cette dernière traduit la volonté des Etats-Unis d’être omniprésent sur tous les fronts afin d’assurer sa pérennité et celle de ses entreprises en ces temps de guerre économique. L’espionnage entre les pays permet avant tout de comprendre comment pense l’autre, mais à quel prix ? 

L’opération dite « Dunhammer » caractérise une démarche d’espionnage menée par les Etats-Unis à travers la NSA en collaboration avec les services de renseignement danois (FE).  Ce rapport révèle l’existence d’une coopération secrète entre les deux pays de 2012 à 2014. L’agence nationale de la sécurité américaine a espionné en toute impunité des hauts responsables politiques européens, dont notamment la chancelière allemande Angela Merkel entre 2012 et 2014. Cette affaire d’espionnage a créé un véritable scandale diplomatique en Europe puisque la NSA s’est branché sur les câbles sous-mains danois afin d’intercepter des échanges ou appels téléphoniques entre dirigeants européens. 

L’espionnage des alliés : une habitude américaine. 

Cette démarche de renseignement traduit une forme de guerre de l’information puisque les Américains ont indéniablement voulu conquérir différentes informations d’ordre économique, stratégique et diplomatique. Comme le rappelait Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la sécurité nationale américaine de Jimmy Carter, « Il faut bien qu’on écoute nos amis, nos alliés, pour vérifier que ce sont toujours nos alliés ».  La guerre économique actuelle pousse les pays à prendre de nombreuses dispositions et à user de procédés subversifs en vertu du droit international coutumier.   La quête perpétuelle de l’hégémonie pour les Américains nous pousse à statuer sur un point fondamental, à savoir que l’espionnage entre pays soi-disant alliés ne s’arrêtera pas de sitôt, il est même privilégié que celui-ci s’accentue dans un monde toujours plus multipolaire.

Cette guerre repose sur la capitalisation de l’information économique stratégique utile aux acteurs étatiques et aux entreprises nationales. Dans le cas présent, la rentabilité de cette démarche d’espionnage repose sur le fait que la NSA à utiliser les câbles sous-marins danois afin de surveiller la concurrence et les positions tenues par les grandes puissances européennes dans les secteurs stratégiques. Cette démarche s’inscrit dans un long processus de renseignement mené par les Américains depuis le début de la guerre froide afin de garder leur puissance et de maîtriser leurs concurrents. 

 Des réactions danoises expéditives. 

Lars Finden et Claus Hjort Frederiksen, respectivement ex-chef des services de renseignement danois et ex-ministre de la Défense ont été dans la foulée poursuivi pour trahison après avoir divulgué des secrets d’état. Bien évidemment, chacun était conscient que ces arrestations avaient un rapport avec l’affaire d’espionnage qui a touché le Danemark. La justice danoise semblait vouloir rapidement trouver des coupables afin d’enterrer cette affaire assez dégradante pour le pays. Au cours d’un procès s’étant déroulé à huis-clos, ces deux anciens hauts fonctionnaires danois ont plaidé non-coupable mais ont tout de même été incarcérés fin 2020 avant d’être libérés en décembre 2021 à la suite d’un rapport d’une commission d’enquête. Mette Frederiksen, quant à elle, qui ne semblait pas être au courant des actions de ses services de renseignement, a préféré apaiser la situation en affirmant qu’il n’y avait pas besoin de réparer les relations avec la France et l’Allemagne tout en certifiant que l’espionnage entre alliés était inacceptable. 

 L’espionnage entre alliés : comment lutter ? 

 La France et l’Allemagne, pays historiques faisant parti des grandes puissances mondiales, ont subi une longue démarche d’espionnage de la part d’un pays allié. Cette nouvelle, apparu dans les journaux danois au cours de l’année 2020 aurait pu être la source d’un scandale diplomatique international. Dans les faits, l’opération d’espionnage menée par les Etats-Unis n’a pas eu l’effet escompté sur les gouvernements européens. Beaucoup d’articles de presse, certes, mais des réactions européennes laissant transparaître une certaine normalité liée aux faits d’espionnage. Comme le rappelait l’auteur de « l’Affaire Snowden, ou comment les Etats-Unis espionnent le monde » Antoine Lefébure, l’Europe, c’est « Open-Bar ». Dans le pire des cas, l’ambassadeur des Etats-Unis est convoqué aux affaires étrangères. Le gouvernement le somme de s’expliquer, quelques explications et le dossier est poliment clos. 

 

 

Loucas Ambrose,
étudiant de la 2ème promotion RensIE

 

Sources

Nicolas Armer (31/05/2021) « Espionnage des Européens par les Etats-Unis » France Info, Radio France. 

Solene Robin (06/06/2021) « L’Europe est-elle espionnée par la NSA ? » Relations Internationales, CombatLeMedia. 

Aude Le Gentil (01/06/2021) « Espionnage d’alliés européens : Macron et Merkel exigent une « clarté complète » des Etats-Unis et du Danemark. » Le Journal du Dimanche. 

Jacob Gronholt-Pedersen (31/05/2021) « U.S spied on Merkel and other Europeans through Danish cables » Reuters. 

Jon Henley (31/05/2021) « Denmark helped U.S spy on Angela Merkel and European allies » The Guardian.

Edward Snowden (17/09/2017) « Mémoires Vives » Editions Seuil.