Société de l'information, société du conflit, société du secret

C'est un symptôme troublant que le domaine militaire, politique, économique et l'espace privé soient ainsi réunis dans un même souci stratégique. Ou plus exactement il s'établit un nouveau rapport entre des réalités d'ordre stratégique (l'action délibérée de groupes en lutte), technique (l'omniprésence de l'informatique et des réseaux) et symbolique (le fonds de nos affects et croyance sur lequel se déroule ce conflit). À l'époque où la guerre se confond de moins en moins avec l'action d'armées étatiques s'affrontant pour des territoires géographiques, la réflexion stratégique, en particulier, devra digérer ces changements et penser la guerre dans ses rapports avec la société de l'information.


Langage et conflit

Le paradoxe est d'abord anthropologique. Nous sommes, on le redit depuis Platon et Aristote, des animaux dotés de langage. Ce langage décrit le monde, y compris les mondes passés, futurs ou imaginaires (cela s'est passé là-bas, j'imagine...) et n'exprime pas seulement un état intérieur (faim,
douleur) ou une relation au monde (menace, séduction). Popper disait que nous sommes aussi le seul animal qui mente . Ajoutons : l'animal qui se tait, l'animal qui a des secrets, l'animal qui se transmet des expériences qu'il n'a pas vécues (donc aussi l'animal qui en oublie), l'animal qui ruse et même l'animal qui fait la guerre : pas de guerre en effet sans langage pour se coordonner et dire qui est l'ennemi, et qui nous sommes. Seul animal naturellement culturel, nous dépendons de nos prothèses techniques : nos
façons de mentir, nous taire, ruser, faire la guerre sont elles-mêmes fonction de nos outils et instruments.

Il n'y a pas de société sans secret : certains conservent des informations qui leur garantissent des ressources, un pouvoir, un prestige, une sécurité ; il importe de cacher ce qui est tabou, sacré, intime, dangereux . Notre façon d'être ensemble que l'on nomme politique suppose des rivalités pour la
possession de connaissances, l'affrontement des croyances, et la dissimulation.

La question est donc : en quoi nos modes de communication et de transmission affectent-ils, outre le contenu de nos idées et représentations, nos modes d'affrontement et nos silences, nos façons de produire de l'information-contre et de la non-information ?

Cette aptitude à utiliser le langage pour se battre et pour se protéger a déterminé longtemps une typologie stable. Tout conflit, même le plus archaïque requiert quatre usages de l'information. D'abord savoir les faits : ainsi, où sont et ce que font les adversaires, découvrir ce qu'ils projettent. Affaire de renseignement. Il faut coordonner l'action des siens, donner des ordres. Affaire de messageries. Il faut stimuler son camp, si possible décourager l'autre. Affaire de persuasion donc de rhétorique. Il
faut enfin ruser, c'est à dire présenter à l'adversaire des apparences, des leurres, qui l'inciteront à mal interpréter la réalité, l'intoxiquer. Affaire de mensonge.

l'action adverse (feindre un mouvement en A pour qu'il aille en B et attaquer en C). Ces opérations intellectuellement complexes sont technologiquement simples : elles requièrent surtout de la matière grise
et du matériel humain du stratège au courrier en passant par l'espion ou le propagandiste.


Technique et pragmatique

La stratégie utilise l'information autant que les forces qu'elle dirige ans la lutte. C'est à la fois une technique qui agit sur les choses et une pragmatique qui agit sur des hommes. À la pluralité des langages auxquels elle fait appel, s'ajoute la difficulté d'agir dans un univers mental de représentations et de dépendre d'instruments tangibles, mémoires et vecteurs. Suivant les époques s'établissent des interactions différentes entre la façon dont des groupes organisés utilisent l'information contre
d'autres groupes, les voies et moyens de communication,) et les images mentales, valeurs, et idéologies.

Longtemps, les technologies de la communication interviennent comme amplificatrices de signaux (des sonneries de trompette, par exemple) ou comme inscriptions de traces (tel un document écrit). Ceci est vrai grosso modo de la guerre du feu à la guerre en dentelle.

Et cela vaut aussi pour le secret. Pendant des siècles, il interdit la divulgation des ressources ou de recettes à protéger de rivaux, empêche la publicité d'événement qui entraîneraient châtiment ou réprobation, ou encore prévient la découverte de ses intentions par des adversaires. La dissimulation de l'information est corollaire de son usage offensif. Ce sont des façons de lutter contre le concurrent, l'institution, l'ennemi en surpassant, en s'abritant ou en surprenant. La technologie du secret reste
longtemps simple : le silence, de bonnes cachettes, de bonnes portes, des châtiments pour les indiscrets. La pratique la plus sophistiquée, à savoir la cryptologie, reste simple dans son principe : un système de substitution ou de permutations pour réserver le contenu à l'émetteur et au destinataire.


La clef reste pourtant inscrite dans un cerveau ou sur un support de mémoire, un document, lui-même confidentiel. L'usage reste très limité : essentiellement dissimuler des correspondances. Du moins jusqu'à une époque récente .

Entre mémoires et commandes

Que change la société de l'information à ces évidences ?

Quant à la communication , son ambivalence primordiale naît du caractère transitif et intransitif du fait de communiquer. À la communication d'un contenu informatif, s'ajoute la communication comme relation : être en communication est un degré de la communion. Ceci suppose une disposition réciproque des participants, un accord voire une harmonie. D'où un glissement fréquent vers l'idéal historiquement daté d'une communication à instaurer : un monde où de meilleurs moyens ou procédures de messagerie ou d'expression garantiraient plus d'efficacité dans la répartition des tâches et le partage des connaissances, plus d'égalité entre les sujets qui pourraient mieux s'exprimer, une meilleure compréhension entre les individus et les peuples .


Unification et abstraction

Ces conceptions rendent surtout mal compte du caractère duel de ces sociétés, entre deux systèmes techniques de transmission des idées et des messages. Le premier, celui des mass media obéit à une logique d'unification. Celle de l'espace qui est comme rapetissé par la vitesse, par la possibilité de couvrir instantanément tout territoire (en ce sens le cycle s'ouvre avec le télégraphe, la première machine qui permet de faire voyager un mot plus vite qu'un homme). Unification du temps (nous vivons tous au rythme des événements mondiaux retransmis instantanément).
Unification des contenus surtout : les médias multiplient les mêmes images, les mêmes sons, les mêmes mots.

Cela change avec les technologies numériques qui forment un second système.

L'informatique et les moyens de transmissions de ses signaux opèrent un travail d'abstraction sur les informations stockées, traitées, distribuées. Elles sont digitalisées : mots, images, sons et commandes s'écrivent dans un code binaire unique et deviennent modifiables en leur moindres détails .

L'enjeu actuel des conflits et des secrets se joue précisément dans la cohabitation des deux logiques, d'unification et d'abstraction. L'une ne va pas éliminer l'autre au sens où Internet n'éliminera pas la télévision, pas plus que celle-ci n'a éliminé le livre, ni le téléphone la correspondance.

Anciens et nouveaux médias vont cohabiter et réorganiser nos manières de voir, de croire, de nous souvenir, donner du pouvoir à certains et en retirer à d'autres, changer les règles de nos partages et de nos rivalités.


Les pouvoirs du visible

Le lien entre mass-media et conflit est d'autant plus évident qu'il s'est révélé entre deux guerres, après l'expérience de la propagande de guerre et pendant celle de la propagande totalitaire. L'hypothèse d'une invincible technique de manipulation des foules a suscité le besoin d'une discipline.

Cette sociologie des médias fut longtemps obsédée par la persuasion,
fut-ce pour en relativiser l'efficacité . Le principe des médias de masses, accélérer, multiplier, suggère des métaphores martiales. Au début donc, on y voit des instruments de mobilisation : enrégimentement idéologique, déchaînement de passions. Les médias sont pensés comme des multiplicateurs de croyance. D'autres critiques leur reprochent de démobiliser les citoyens, de les ahurir, de les rendre passifs, de faire oublier les réalités d'un monde divisé et tragique au profit des artifices du spectacle . Les deux actes d'accusation sont simplistes : l'efficacité des médias, qu'il s'agisse d'imposer un contenu à l'esprit ou une attitude à l'esprit, ne se résume certainement ni à des règles faciles et universelles ni à un effet unilatéral.

Surtout, les modes anciens de lutte par l'information évoluent. Les arts de l'illusion deviennent bien plus raffinés que des pratiques de censure, des slogans ou du bourrage de crâne. Il s'établit de nouvelles frontières entre le visible et le crédible. Les régimes totalitaires parvenaient à occulter des réalités notoires : l'existence de camps, le rôle de Trotsky en 1917, des désastres connus de milliers de gens, en effaçant toute trace. Mais le pluralisme des informations ou la surabondance des images ne garantissent pas que le visible soit le réel ou du moins tout le réel. Le sort d'une guerre dépend de ce qui en est visible : des petites filles vietnamiennes sous le napalm et des boys dans des sacs à viande, des tracés de Scud dans le ciel et pas de dégâts collatéraux, des réfugiés ou des guerriers. Pour gagner, il s'agit moins de produire du faux que du présentable et du représentable. Moins d'inciter par des fictions exaltantes que d'émouvoir par l'agencement du réel. La guerre était l'art de faire beaucoup de mort, ce dont on se félicitait dans des déclarations, des commémorations, des monuments et tableaux, etc.., elle semble devenir l'art de ne pas faire de victimes visibles et de faire voir les bonnes victimes.


Le conflit de l'invisible

Le lien entre technologies numériques et conflit n'est pas non plus passé inaperçu : l'abondante littérature consacrée à Internet comporte une vaste anthologie de ses dangers. Les réseaux informatiques opèrent une véritable déterritorialisation, abolissent des frontières et mettent chacun en contact avec chacun.

Cela veut dire, répondent les accusateurs, que pirates, espions, saboteurs, voleurs de données, désinformateurs, propagateurs des pires ignominies, peuvent agir de tout point de la planète, attaquer des banques de données, répandre de fausses nouvelles. Les réseaux se jouent des délais, permettent l'accès en temps direct, et l'archivage quasi illimité d'une masse d'informations. Aux dépens du temps de sélection et de
réflexion : une rumeur va plus vite qu'une information vérifiée, l'événement occulte
l'histoire, la réaction primaire court-circuite les médiations. Le pouvoir est dématérialisé, transformé en flux et stocks. Le véritable pouvoir en deviendra occulte, les manipulations informatiques clandestines. La connaissance sera digitalisée, transformée en série de bits plus faciles à stocker, traiter, ou transmettre. A cela d'autres répliquent : les trucages en seront facilités, la disponibilité d'une masse énorme de connaissance empêchera la constitution d'un véritable savoir, le contrôle du citoyen sur la réalité qui lui est imposée diminuera, concluent les accusateurs.

Ces processus touchent surtout des informations/données et des information/commandes. Tandis que les mass-media produisaient du visible efficient générateur de croyance, avec les nouvelles technologies, l'information devient un invisible fragile et dangereux.

Un invisible fragile ? La question du sens de l'information s'efface devant la question de la gestion des flux d'informations. Aux effets de connaissance et de croyance de l'information, il faut ajouter l'effet de contrôle. Il ne joue pas seulement sur la publicité de l'information (qui sait quoi) mais aussi sur sa disponibilité (qui a accès à quoi et peut transformer ou détruire l'information) et sur sa lisibilité (qui a les moyens de décoder, traiter, exploiter).

les transactions en monnaie électronique de la véritable identité d'un correspondant, etc....

La lutte pour empêcher l'adversaire ou le concurrent de connaître l'information se redouble d'une lutte pour interdire de la changer, de la détruire ou de détruire le système d'information, et d'une lutte pour empêcher de fausser l'interprétation de l'information, par exemple en trompant sur sa source.

Les citadelles et le citoyen

machine paralysée par une attaque indécelable en son point de fragilité, par des virus, des sabotages, la poignée d'informaticiens-terroristes capables de détruire par quelques actions coordonnées tout un système de communication. La crainte du "Pearl Harbour" informatique, comme la peur de "Y2K" (le bogue de l'an 2000) sont la rançon des rêves d'omniscience et d'omnipotence de la technique : le désordre se communiquant partout à partir du point le plus faible ou de l'oubli le plus stupide.

Nous sommes habités par deux besoins antagonistes. Au nom de la transparence démocratique, du principe de publicité, du droit de savoir, nous voulons tout voir. Qu'on ne nous cache rien, ni des mécanismes de l'État, ni sur le comportement privé des hommes publics. Mais en même temps, jamais nous n'avons autant craint d'être fichés, filmés, surveillés, écoutés, jamais nous n'avons autant réclamé le droit à l'anonymat, nous que l'on disait menacés par l'anonymat des sociétés de masse. Besoin de sécurité et individualisme se conjuguent pour faire de la défense de la sphère privée
une préoccupation majeure. Aux fonctions traditionnelles du secret, empêcher le partage d'un savoir, la publicité d'un événement ou l'anticipation d'une intention, s'ajoute celle de garder le contrôle sur sa propre vie.

C'est un pouvoir : il commande des systèmes qui effectuent des tâches, messagerie, payement, gestion, etc. Le mot de passe symbolise le rapport entre information et conflit autant qu'une spectaculaire prolifération du secret.

Guerre, conflit, information C'est bien évidemment dans la guerre elle-même que culminent ces processus.

Dans une guerre, il n'y a pas que les mots et les images destinés au public, ceux qui emplissent les journaux et les écrans. Il n'y a pas que la rhétorique et l'émotion. Il n'y a pas que des informations orientées ou pas, censurées ou non sur la conduite des opération ou des discours destinés à mobiliser les masses contre la perversité de l'adversaire ou à les convaincre de la justesse d'une cause.

Il circule aussi des flots de message de commandement, de coordination, de renseignement. Images prises par les satellites ou des caméras infrarouges.
Images sur des écrans de contrôle et dans des viseurs. Des paperasses, des dépêches et des rapports. Des communications interceptées et des instructions, des signaux radio et vidéo. Ce sont aussi des informations, au sens où ce terme désigne tout message et toute représentation de la réalité sous forme de symboles et reproductions.

En temps de guerre elles acquièrent un pouvoir destructeur indirect. Non pas en suscitant des affects ou en imposant des convictions à des spectateurs passifs, mais en fournissant des éléments d'action à des opérateurs. Ces informations autorisent des mouvements coordonnés, dirigent des frappes.

Elles sont les conditions nécessaires des violences dont elles accroissent l'efficacité. Leur véracité, leur précision, leur clarté même les rend redoutables. Pour se transformer en cadavres ou en bâtiments éventrés, elles demandent la médiation d'un cerveau humain qui les traite efficacement.

D'un cerveau humain ou électronique. Car voici qu'apparaissent dans la guerre une nouvelle famille d'informations : des suites de 0 et de 1 qui n'ont sens que pour l'ordinateur, des données numériques qui circulent de manière invisible par Internet ou par ondes interposées. Elles font des choses sans même passer par l'intermédiaire humain. Des algorithmes dirigent des machines, traitent des messages, réalisent des opérations, reconstituent des réalités ou engendrent des images virtuelles, tandis que des virus détruisent les systèmes. Des logiciels donnent des instructions, d'autres produisent du chaos. Pareilles informations-commandes cumulent des facultés de représenter, mémoriser, traiter, produire images, sons, mots, chiffres,
de transmettre à distance, de créer de l'ordre et du désordre, et encore
de faire agir des automates et outils. Pareilles facultés paraissaient jusque
là séparées.

L'information qui justifie ou suscite l'attaque, celle qui rend l'attaque plus efficace ou celle qui réalise l'attaque ressortent chacune à des régimes différents, mais se plient à la même finalité et à la même méthode.


Par la stratégie, les intelligences en lutte introduisent l'information dans le jeu des forces qui s'affrontent.

La victoire dépend de la capacité à coordonner la production et la circulation de plusieurs types d'informations : intelligence et renseignement, observation ou proclamation, transmissions internes, censure et conservation du secret, rhétorique exaltante que l'on adresse aux siens, intoxication, ou discours inhibiteur que l'on projette vers l'ennemi...

Guerre et vision

Dans la guerre contemporaine, si l'effet de connaissance est décisif, si l'effet de croyance tient un rôle croissant, l'effet de contrôle révèle toute sa puissance. Or, l'invisibilité de l'information, liée au processus d'abstraction par les nouvelles technologies, repose en réalité sur une énorme infrastructure tout à fait tangible : des machines, des réseaux...

D'où la dissymétrie entre ceux qui possèdent ces moyens et les autres. La maîtrise du matériel donne un avantage cumulatif dans la lutte par l'immatériel.
Les guerres n'opposent plus un général astucieux à un stratège ingénieux ou des services secrets retors à des agents d'influence bien dissimulés, en arrière-plan de mouvements de troupes et de combats. Mouvement et frappe deviennent des annexes de la vision totale. Les derniers conflits, Golfe, Kosovo, nous ont montré un camp disposant de satellites, d'ordinateurs, d'avions invisibles, de drones et de services de communication, bref ayant le privilège de tout savoir, voire le quasi monopole de ce qui est visible dans la guerre, indifférent à l'espace et à la distance. En face, les aveugles, plaqués au sol, épiés, écoutés, analysés depuis Washington. Ils ne savent rien, n'entendent rien, ne calculent rien des actions adverses et plus guère des leurs. La phrase célèbre de Clausewitz selon laquelle la seule chose dont un général soit certain à la guerre est sa propre position deviendrait fausse : l'absorption de la machine de guerre par la machine à surveiller éliminerait l'aléa. Ceci, au moins en théorie, car,
l'expérience suggère plutôt que l'image de la guerre par écrans interposés est plutôt
un fantasme. Mais à ce titre il vaut un symptôme.


Conclusion


Nous sommes mal armés pour comprendre comment s'articulent deux systèmes de
transmission de l'information, comment techniques, pratiques, idéologies, stratégies du conflit parcourent les champs politique, économique mais aussi la vie quotidienne.
Mal armés d'abord pour apprécier les faits : difficile de distinguer ce qui est significatif ou exceptionnel dans toutes les histoires d'intelligence économique ou de fraude informatique. L'efficacité ou l'ampleur réelles des techniques de guerre de l'information sont mal documentées. Et tout ce qui touche au secret, est, par définition, discret.
Nous sommes aussi mal armés théoriquement. Un discours technique énumère des
possibilités : dangers, recettes et panoplies. Il oscille souvent entre science-fiction paranoïaque (le grand chaos informatique) et anecdotes excitantes (espions et pirates sur Internet) . Les sciences de l'information et de la communication, au moins celles qui se rattachent aux sciences humaines, négligent souvent le conflit et le secret au profit d'une réflexion sur le pouvoir ou la crédibilité des messages médiatiques, sur le
rapport vertical médias/public. Entre les deux, complexité et dualité du conflit nous échappent souvent. Le besoin sinon d'une discipline du moins d'une méthode s'impose.

La médiologie se propose d'étudier les rapports entre nos moyens de transport et de transmissions, nos organisations collectives et nos façons de penser, de croire et de savoir. Y ajoutera-t-elle nos conflits, symboliques et pratiques ? Une pensée stratégique qui s'ouvrirait en tenant mieux compte des interactions entre messages, des médias et des milieux culturels... Une pensée médiologique qui se préviendrait de tout déterminisme, technique ou culturel, en intégrant la part de l'aléa et de la volonté qu'implique le conflit... Penser simultanément la dialectique des intelligences animant le conflit, les techniques qui autorisent et hiérarchisent, les croyances qui construisent le monde de nos représentations. Il y a là un défi à relever.